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BRÈVE
HISTOIRE DE SCIENCE-FICTION
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SITUER
LA SCIENCE-FICTION DANS LA JUNGLE DES GENRES |
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La science-fiction
est souvent définie par ce quelle met en scène
: ses technologies, sa nouvelle " humanité " (humanoïdes,
robots, extraterrestres), ou par des thèmes plus larges (la
conquête spatiale, le voyage dans le temps, les univers parallèles).
Les ramifications du genre sont multiples, lanticipation,
lutopie et son contraire la dystopie, et luchronie.
Il convient donc de les situer pour mieux définir les contours
du genre.
Le mot lui-même est récent. À mesure que le
genre se développe, on lui cherche un nom. Les frères
Rosny, qui, à la fin du XIXe siècle, se sont fait
une spécialité du roman d'anticipation, parlent de
" roman scientifique ", l'Anglais Herbert George Wells
de " scientific romance " ; l'éditeur de magazines
scientifiques américain Hugo Gernsback lance en 1924 le terme
de "scientifiction ". Il utilise le terme de " science-fiction
" en 1926 dans le premier numéro de Amazing Stories,
et prend soin de situer cette innovation linguistique en référence
à des auteurs connus : Edgar Poe, Jules Verne et Herbert
George Wells.
Le terme
recouvrira, notamment aux États-Unis, un mouvement, une culture
à part, avec ses magazines, ses solidarités d'auteurs
et de lecteurs, ses conventions et ses anthologies, et n'accédera
que bien plus tard au rang de genre littéraire. En réalité,
les thèmes que la science-fiction développe existent
dans de nombreux titres antérieurs.
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Dans
lIcaroménippe (IIe siècle), Lucien de Samosate
expédie son philosophe dans la Lune pour une satire des murs
terrestres. Le récit relève de limaginaire ludique.
Mais lorsque Cyrano de Bergerac, dans Histoire comique contenant
les états et empires de la Lune (1657), fait senvoler
Dyrcona depuis Paris, et que celui-ci se retrouve au Québec,
une explication scientifique est donnée : pendant quil
demeurait immobile dans le ciel, la Terre tournait, ainsi que Galilée
lavait soutenu. Ce texte est lun des premiers à
donner une dimension nouvelle en créant une " expérimentation
imaginaire ", dans le cadre dune fiction narrative, mais
à partir dune hypothèse scientifique.
Avec lUtopie
de Thomas More (1516), qui nous découvre un État gouverné
par des lois supposées être les meilleures, le genre
sélargit. La fin du XIXe siècle connaît
son contraire, la dystopie (ou contre-utopie), dont le meilleur exemple
est sans doute 1984 de G. Orwell (1948). Dans la dystopie,
le projet utopique est présenté comme réalisé.
Mais cette réalité, vécue au quotidien, se révèle
nêtre pas aussi bonne que le discours officiel le prétend.
Ce renversement du point de vue passe par la révolte dun
héros, qui retrouve sa lucidité, généralement
après une rencontre avec lamour. La dystopie se situe
souvent dans lavenir comme on le voit aussi avec le Meilleur
des mondes (1932) de A. Huxley, ou avec les Monades urbaines
de R. Silverberg (1971).
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Pascal semble avoir été
linventeur de luchronie
avec sa proposition " Le nez de Cléopâtre, sil
eût été plus court, toute la face du monde aurait
changé ". Le terme d'uchronie est inventé par
J. Renouvier (1857) et présenté par lui comme une
" utopie dans lHistoire " ou encore une " histoire
apocryphe ".
Quaurait été
lEurope si Napoléon avait vaincu à Waterloo
? Si Hitler avait triomphé de lU.R.S.S. et le Japon
des États-Unis, comme limagine Ph. K . Dick dans le
Maître du haut château (1962) ?
Enfin, lanticipation
situe ses aventures dans un futur plus ou moins lointain. Mais le
critère temporel suffit-il à en faire de la science-fiction
? Ainsi ne suffit-il pas à faire des différentes "
Guerres des Étoiles " des récits de science-fiction.
De même, les récits du récent style " steampunk
" peuvent-ils entrer dans cette catégorie ? On y assiste
à la re-créations dun XIXe siècle, où
les poètes romantiques rencontrent les créateurs de
la future société industrielle (K. Jetter, Machines
infernales. Fantaisie baroque des temps victoriens, 1987). Il sagit
là, non pas dune uchronie, mais dunivers parallèle.
À travers tous ces exemples, on peut identifier une récurrence
: lexploration de mondes inventés, de futurs ou univers
possibles, dont le moteur est " lexpérimentation
imaginaire ".
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LINVENTION
DE LA SCIENCE-FICTION |
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La science-fiction se développe
depuis les années 1930 surtout aux États-Unis. Mais
les thèmes quelle emprunte ont leur racine dans des
temps antérieurs et en Europe aussi.
Le voyage dans
le temps trouve des antécédents dans lAn
2440 de L.S. Mercier (1770) ou encore dans la Machine à
explorer le temps de H.G. Wells (1895). Les développements
de la médecine sont extrapolés par Wells, qui tente
de donner forme humaine aux animaux par la chirurgie et lhypnose
dans lÎle du Docteur Moreau (1897). Avec Frankenstein
ou le moderne Prométhée (1818), Mary Shelley poursuit
le mythe faustien. Jules Verne a déjà envoyé
ses héros autour de la Lune et René Barjavel, avec
le Voyageur imprudent (1944), a déjà fait surgir
le paradoxe temporel : si voyageant dans le passé, jen
viens à tuer mon père, je ne peux naître et
donc je ne peux tuer mon père puisque je ne suis pas.
Dans les années 1930, la publication des récits dans
des magazines sous forme dispersée empêche la constitution
dun véritable genre. En lançant Amazing Stories
dans les années 1920 et en créant le prix Hugo, H.
Gernsback favorise la diffusion des textes et la rencontre entre
lecteurs. Limaginaire de la science-fiction se répand
après la Seconde Guerre mondiale en Occident mais aussi en
U.R.S.S. avec les frères Strougatski (Il est difficile
dêtre un dieu, 1964), en Pologne avec Stanislaw
Lem (Solaris, 1961), en Inde avec S. Rushdie (Grimus,
1975).
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Limaginaire de la science-fiction
est en constante évolution. Il recycle les mythes des cultures
antérieures à la civilisation technique, questionne
les mythes de la création comme le fait A. Clarke avec les
Enfants dIcare (1950) ou 2001 lOdyssée
de lespace (1968).
Lactualité
scientifique, technique, politique et philosophique nourrit aussi
constamment son imaginaire. En partant dun postulat et en
le développant, la science-fiction suscite une effet de "
pathos métaphysique " : si lon peut remplacer
certains organes du corps humain, quels pourraient être les
scénarios dérivant de la généralisation
de ces possibilités ?
On peut imaginer la culture
de pièces de rechange en élevant des corps clonés,
ce que fait Boyd dans la Ferme aux organes (1970), ou en
les prélevant sur des criminels (Cordwainer Smith, "
La planète Shayol ", 1965). On peut tout aussi bien
inventer des androïdes, êtres artificiels comparables
aux humains, comme le proposait déjà K. Capek avec
R.U.R. (1923). Conçus comme identiques aux hommes,
comment les distinguer des humains ?
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LIMAGINAIRE
SPÉCULATIF DE LA SCIENCE-FICTION |
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Techniques
de déformation
Comment la science-fiction sy prend-elle pour créer
des mondes possibles
? Lutopie présente une spéculation qui relève
de la symétrie, où ce qui est négatif devient
positif en utopie. Lanticipation procède par extrapolation,
ainsi Jules Verne maximalise la puissance et le confort des sous-marins
dans le Nautilus. Un élément technique ou un aspect
sociologique est grossi et de son postulat en découlent des
effets : la Machine à explorer le temps nous conduit
dans des temps de fin de monde où les classes sociales du
XIXe siècle sont devenues deux races différentes.
Les distorsions et anamorphoses présentent, dans un futur,
notre monde vu à travers une déformation. La distorsion
peut être dordre physique une planète
à très haute gravitation (H. Clément, Question
de poids, 1954) ou dordre sociale un phénomène
de surpopulation induit lempilement dune humanité
dans des tours de mille étages et transforme radicalement
les modes de comportement (R. Silverberg, les Monades urbaines,
1971).
Leffet papillon, phénomène météorologique
dont le principe est quune cause infime en un endroit donné
engendre des effets disproportionnés dans un environnement
très éloigné, fournit à la science-fiction
une autre méthode de construction de monde : dans "
Un coup de tonnerre " (1951) de R. Bradbury, un touriste temporel,
lors dun safari, piétine une plante minuscule. À
son retour dans son temps natal, la société quil
avait quittée est devenue autre. Tout texte de science-fiction
conserve avec lunivers de départ des liens plus ou
moins explicites.
À partir des univers créés selon les procédés
évoqués ci-dessus, rien nempêche un auteur
de créer des variantes, pourvu quelles ne rompent pas
la cohérence du monde possible.
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Les domaines
dinspiration
Limaginaire de la spéculation a une dimension de divertissement
certaine, mais lambition peut être plus haute, dans
la mesure où le genre est intrinsèquement lié
à la science. Lexploration des espaces interplanétaires
ne fait que développer le sujet. Les autres sciences, comme
chez Wells où le récit sempare du darwinisme,
fournissent aussi leur inspiration : biologie, génétique,
techniques de clonage.
Les sciences sociales constituent aussi un véritable terreau,
pour une critique de la puissance des médias dans Jack
Baron et léternité (1969), pour une critique
des manipulations politique chez Ph. K. Dick ; elles nourrissent
le questionnement sur la défense de la liberté face
aux techniques de manipulation, présentant la révolte
comme issue (J. G. Ballard, Crash, 1973 ; Super Cannes,
2001).
Avec le mouvement Cyberpunk,
la science-fiction explore dans les années 1980 et 1990 un
espace cybernétique plus ou moins fantasmé dans ses
rapports avec la mémoire, le sexe et le crime. Les romans
de W. Gibson (Neuromancier, 1984) et de B. Sterling (le Gamin
artificiel, 1980) évoquent le mariage des puces et des
neurones dans un monde où les drogues, linformatique
et la musique électronique se mêlent pour provoquer
des images nouvelles, manière dinterroger la réalité
de la réalité.
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Fonction
critique
La science-fiction a un fond de discours critique sur la réalité
: elle montre que rien ne va de soi, et quune invention peut
bouleverser ce qui apparaît parfois comme la nature des choses.
La science-fiction met en crise la représentation des normes
idéologiques de notre société, une mise en
crise qui est aussi lindice de la difficulté dappréhender
notre monde qui ne cesse dévoluer très rapidement
: deux siècles de révolution industrielle nous ont
fait passer de lère néolithique entamée
il y a dix mille ans avec linvention de lagriculture
à lère de linformation. Les effets de
ces révolutions techniques, scientifiques et économiques
sont autant de mondes neufs dont les auteurs de science-fiction
explorent les virtualités.
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